Mon approche

Les principes qui sous-tendent mes interventions :
-> Sensibiliser les victimes et potentielles victimes, mais aussi les proches, les auteurs et potentiels auteurs de violences
Pour lutter en profondeur contre les violences conjugales, la sensibilisation ne doit pas s'adresser qu'aux victimes et potentielles victimes : elle doit aussi apprendre aux proches à reconnaître les signes et à ne plus minimiser ou banaliser certaines formes de violences.
Elle doit également se tourner vers les auteurs et potentiels auteurs : comment les violences pourraient disparaître si l'on ne travaille que sur la détection des victimes et la prévention envers elles ?
Sensibiliser les auteurs et potentiels auteurs, cela commence par déconstruire le "profil-type" du violenteur conjugal et exposer toutes les "petites" violences du quotidien, extrêmement banalisées.
-> Replacer les violences conjugales dans un continuum de violences
Les violences conjugales ne sont pas un problème indépendant et isolé : elles font partie du continuum des violences faites aux femmes, et, de façon plus générale encore, de la violence qui imprègne notre société à tous les âges de la vie, de la naissance (et même avant) jusqu'à la mort. Les mécanismes de l'emprise dans le couple se retrouvent dans toute forme de relation, dans tous les milieux (familial, amical, scolaire, professionnel, sportif...).
Elles ne sont ni des "faits divers" ni des "histoires privées" : leur caractère massif et systémique en font un problème politique et de santé publique.
-> Les violences conjugales sont majoritairement invisibles
L'habitude de ne représenter les violences conjugales que par des traces physiques (un oeil au beurre noir, une lèvre fendue, un bras cassé) et de parler de "femmes battues" a la vie dure... Pourtant cette habitude a des conséquences dramatiques, en empêchant nombre de victimes de se reconnaître comme telles (parce qu'elles ne vivent pas de violences physiques ou parce que celles-ci leur laissent peu ou pas de traces) et en faussant la connaissance et la compréhension des rouages de l'emprise/du contrôle coercitif.
Car la violence conjugale, bien avant les coups et blessures qui font les gros titres des médias et les images des campagnes de prévention, c'est une terreur et une tension permanentes, tellement banalisées qu'elle en sont devenues "ordinaires" et bien plus destructrices pour la victime, en profondeur et dans la durée.
Enfin, ça ne commence JAMAIS par une gifle : les violences physiques sont l'étape avancée d'une mise sous contrôle de la victime lui ôtant toute capacité de contestation quand le premier coup arrive.
-> Exposer les violences sexuelles dans le couple
Encore très peu et très mal exposées, elles sont difficilement repérables par la victime elle-même. Pourtant, aucune situation de violences conjugales n'échappe aux violences sexuelles, car la sexualité est forcément imprégnée des violences psychologiques et de l'emprise/du contrôle coercitif qui règne dans le couple.
-> Chasser le simplisme pour mieux appréhender la complexité
Réduire les violences conjugales à un simplisme caricatural et binaire ("la fragile victime VS le méchant bourreau") n'aide personne, et en premier lieu les victimes. Parce que personne ne peut ni ne souhaite se reconnaître dans une telle étiquette, et parce que le simplisme brouille les cartes et créé jugement et réaction de rejet. On ne "sauve" pas les victimes : c'est au contraire en les respectant dans toute leur complexité, leurs ambivalences et leur temporalité propre qu'on les aide à se sauver elles-mêmes.
N'ajoutons pas un surplus d'infantilisation aux victimes, qui le sont déjà suffisamment dans leur couple : ce n'est pas les aider que de nier les facteurs internes (croyances, peurs, mécanismes inconscients...) qui contribuent malgré eux à nourrir les facteurs externes de l'emprise (désinformation, inversion de culpabilité, destruction du libre-arbitre...).
-> Mettre en avant l'aspect systémique des violences faites aux femmes sans invisibiliser les hommes victimes
On retrouve des violences conjugales dans tous les couples, qu'ils soient hétérosexuels ou homosexuels. Parler des hommes victimes - d'un conjoint homme ou femme - n'efface en rien l'aspect massif et systémique des violences faites à la moitié de l'humanité : les femmes restent majoritairement victimes et les hommes majoritairement auteurs des violences, celles-ci prenant historiquement et socialement racine dans une société patriarcale encore profondément inégalitaire.
Dans la même idée de chasser tout simplisme, exposer ce que le patriarcat coûte aux hommes et tenter de comprendre d'où vient la violence n'est certainement pas excuser les comportements violents : chacun reste responsable de son ou ses passages à l'acte, et aucune forme de violence n'est acceptable.
On ne pourra pas lutter en profondeur contre les violences conjugales en se limitant à la protection des victimes et à la sensibilisation des potentielles victimes

Photographie @Conseil Départemental de l'Essonne